dimanche 13 mars 2011

Zig-zag chez les Khmers

Nous voila a Bangkok ! Le dernier post parlait du Laos, maintenant la Thailande, on pourrait croire qu'il ne s'est rien passe entre, magie du blog... Mais non, entre les deux l'air de rien, on aura traverse le Cambodge. Pays voisin mais pas vraiment ami de la Thailande, a en croire les tensions constantes qui regnent a un passage frontiere du nord (qu'on a esquive) autour de Preah Vihear, un ancien-temple-khmer-qui-serait-en-fait-thailandais-enfin-on-sait-plus-trop-du-coup-on-se-tire-dessus. Le conflit traine depuis des annees, jusqu'ici tout va bien comme on dit, mais quand meme, un chauffeur de taxi-moto cambodgien avec lequel on a effleure le sujet nous a avoue "esperer qu'il n'y aurait pas la guerre". La guerre, carrement ? Vous croyez que c'est possible ? C'est sans hesitation qu'il repondit oui, "les soldats sont deja prets le long de la frontiere", avant de demarrer, avec le sourire bien entendu. Bienvenue au Cambodge, pays attachant a peine sorti de trois decennies de conflit.

Notre itineraire biscornu nous a emmene d'abord le long du Mekong, dans la continuite de notre traversee du Laos. Apres le passage de frontiere (plus ou moins deux cabanes en bois ou les bakchishs reglementaires de quelques dollars sont entasses dans une valise en cuir noir, on se croirait dans un film de mafia realise par Kusturica), on arrive a Stung Treng, 35 degres a vue de sueur (40 degres sous les bras a vue de nez). L'ambiance est tout de suite prenante, c'est super anime, des rues crados, des gens partout -dont pas mal de femmes-pyjama : les femmes dans ce pays semblent avoir definitivement fait le choix du confort.

On debarque dans un enorme marche au centre ville, qui deborde de fruits, legumes et snacks en tout genre, donnant une impression de profusion de nourriture et de diversite qui nous surprend. Ca faisait longtemps qu'on avait pas vu un tel choix, et il faut une sacre dose d'abnegation pour ne pas craquer pour une petite tentation culinaire, grasse ou sucree ou les deux. C'est incroyable le nombre de choses qui peuvent etre allechantes bien que non identifiees ! Par endroit la nourriture est etalee sur des draps ou dans des caisses directement par terre (des fois pas loin du caniveau), ailleurs les vendeuses sont installees en tailleur directement sur les etalages, jamais tres loin d'un hamac pret a l'emploi.






Le centre du marche couvert est quadrille d'allees de petites bijouteries typiques, dont les petites vitrines ne comportent quelquefois pas plus de dix pieces, mais attention, tout en or et pierres (semi) precieuses. Mais on n'est loin de la place Vendome, ici l'ambiance est aussi decontractee que dans les stands de lessive d'a cote, et on voit certaines vendeuses negocier, comme leurs clientes, en pyjama. On retrouvera ces petits bijoutiers dans tous les marches du pays, pour le plus grand plaisir de Julie.

Une femme-pyjama sur son lieu de travail

Un bijoutier au boulot, avec une pinte de cafe en cours
Sur notre lancee, on est alle se poser a Kratie, un peu plus au sud, toujours au bord du Mekong. Peut-etre est-ce pour compenser notre consommation effrenee de "shake" (fruits mixes avec glace pilee, sucre, et lait concentre sucre), que nous sommes partis vadrouiller deux jours a velo le long du fleuve a partir de Kratie. Partis a la fraiche tot le matin, on traverse plein de villages de maisons sur pilotis, encourages par les enfants qui nous lancent des "hello" tous les 20 metres (mes preferes restent quand meme ceux qui disent directement "bye bye" en disant bonjour avec la main)

Eux : "Hello!", nous : "Hello!", eux : "Hello!", ...
Il est 8h du mat et pourtant on tombe sur une procession de mariage, un groupe de gens habilles super classe regroupes en bas d'une maison decoree pour l'occasion, portant pour certains des offrandes. Ca fait le spectacle pour tout le monde, autant pour nous que que pour les voisins d'en face, et les gens du minuscule marche quelques maisons plus loin. Au km 25, c'est le pit stop jus de canne au milieu de nulle part. Autour de nous des cocotiers, des manguiers et des papayiers, des enormes vaches a bosses (pas sur que ce soit l'appelation officielle...), des enfants-hello, des maisons en bois, d'autres en bambou, le soleil... bref : la campagne cambodgienne.


Au bout de notre route, on monte dans un petit bateau pour rejoindre une petite ile au milieu du Mekong ou on a prevu de passer la nuit. Personne ne semble parler anglais ni meme comprendre le nom de l'ile ou l'on veut se rendre, on essaye 20 fois avec toutes les prononciations possibles, c'est rigolo certes, mais c'est salaud : on aura passe 2 heures dans le bateau et traverse le fleuve dans les 2 sens avant de trouver enfin l'endroit ou il fallait descendre.

Notre Mekong-express
 Apres quelques ultimes kilometres sur l'ile, quasi deserte a part quelques maisons sur pilotis de part et d'autre de la minuscule piste, on trouve enfin notre "homestay" ou on etait attendu pour la nuit. La famille nous chouchoute, nous voila vite vautres sur une paillasse puis dans les hamacs installes sous la maison, a la mode locale. Un de leurs buffle croque dans une enorme botte de foin a cote, le soleil se couche sur le Mekong qu'on devine a travers les arbres. Je crois qu'on peut legitimement appeler ca une fin de journee paisible.


Le lendemain (apres avoir decouvert une grenouille dans notre lit, normal) on reprend les velos pour rentrer vers Kratie. Pour rejoindre la rive, on chope un bateau encore plus petit qui fait l'omnibus tout autour de l'ile. Le bateau se remplit petit a petit, en particulier de femmes-pyjama particulierement classe en ce petit matin ! 35km de velo plus tard, nous revoila a Kratie, et on se dit que les voyageurs a velo (cf episode "rencontres au Laos") ont quand meme du courage de faire ca pendant des mois...




Apres Kratie, on bifurque vers l'ouest du pays et on fait un stop a Kompong Tom, sur la route de Siem Reap. On passera quelques jours dans cette petite ville vivante mais tranquille, bien loin de l'agitation touristique qui nous attend au prochain stop. En guise d'introduction aux temples d'Angkor, deux taxi-moto nous emmenent aux ruines de Sambor Prei Kuk, restes d'un temple de l'epoque pre-angkorienne. Ces vieilles pierres perdues dans la foret nous mettent dans l'ambiance archeologico-mystique de la region.



Pendant la visite, un groupe d'enfants vendeurs de tissu forment une escorte autour de nous. La plus agee (12 ans ?) nous parle en francais, appris a force d'accompagner les touristes. Les plus jeunes, comme en apprentissage, repetent ce que la grande dit, comme un echo a plusieurs voix. Nous voila donc quadruplement avertis a chaque fois qu'on passe une marche ou une grosse racine, et la description que nous fait la grande des tours, en mode guide touristique, nous arrivent en multi-stereo. C'est comique.


Plus tard, on grimpe en haut d'une petite colline dont le sommet est recouvert de petits temples, ou les singes se sentent visiblement chez eux. Autour, les plaines a perte de vue nous confirment que le Cambodge est globalement un pays tres plat. D'ici, apres meme pas 20 minutes d'ascension, on a l'impression d'etre deja arrive sur son toit.





Pendant ce temps, les sculpteurs se donnent sur la route qui mene aux temples. Ca debite du buddhas, comme on dit.




On finit encore une fois la journee rouge de poussiere, de la tete aux pieds. Je crois qu'on minimise trop souvent le temps de decrassage en voyage, surtout dans ce pays. On a du laisse au Cambodge au moins cinq kilos de peau a force de frotter... En guise de repos du guerrier, dans notre guest house pas cher qui s'est avere digne d'un hotel, on s'est fait des petites sessions TV5 Monde : Thalassa, la fin d'un match de Ligue 1 de l'OM (!!), et pour notre plus grand plaisir, Patrick Sebastien.

Apres avoir passe la nuit a sauter sur notre lit en faisant tourner les serviettes, on a replonge tete la premiere dans le Cambodge et pris un bus pour Siem Reap. J'ai du mal a vous dire si Siem Reap est une ville sympa, ca ressemble plus vraiment a une ville. Je dirais plutot un village-vacances entierement dedie aux touristes. Mais c'est pas forcement tres grave, ce n'est pas au centre ville que ca se passe, mais a quelques kilometres au nord de la ville, ou se trouvent les principaux temples khmers de l'epoque d'Angkor (entre le 9e et le 13e siecle en gros). On passera deux jours a explorer la zone, une fois en tuk-tuk, une fois a velo (encore ces foutus shake), dans cette ambiance particuliere de vieux temples charges d'histoire, un temps entierement recouverts par la foret... Deux jours resumes ci-dessous en quelques photos auxquelles, apres coup, la BO de Full Metal Jacket se prete pas mal. Lancez la video Youtube pour mettre la musique et cramponnez vous a votre molette de scroll, c'est parti.









Wandy, tuk-tuk driver le jour, amateur d' "Anchor Beer" la nuit







Pause jus de canne







Merci, salut !
Deux jours plus tard (le temps d'echanger des bouquins et de gouter un des meilleurs gateaux a la banane du monde), on part sur un petit bateau pour rejoindre Battambang, a l'ouest du pays. La journee de navigation nous fait traverser le grand lac Tonle Sap et passer par des villages flottants (literralement : les maisons en bois sont poses sur des sortes de radeaux en bambou). Un endroit assez fou, comme coupe du monde, ou les gens se deplacent sur des mini barques et ou l'ecole a installe sa cour sur le toit, grillage comme une cage, faute de place. Tout au long du trajet on croise plein de locaux, sur les berges ou dans leurs petits bateaux, toujours souriants. Les gamins sont le plus souvent dans l'eau, jamais loin, il faut le dire, d'un amas de detritus, particulierement quand on s'approche de Battambang.

La virgule au dessus des types, c'est un poisson



Le marchand de dynamite et de pelle



A Battambang, on retrouve le plaisir d'une ville moins marquee par le tourisme. Une vadrouille en moto surtout nous fait decouvrir des alentours plus que charmants, entre campagne et ville, jusqu'a nous mener dans ce qu'on appelle maintenant dans notre jargon personnel des "bars a huttes" : au lieu de tables, des petites plateformes en bois abritees sous un toit en paille, ici le long du fleuve, dans une ambiance ultra calme. Les hamacs installes un peu partout apparaissent comme une evidence. Si ce concept n'existe pas en France, il y a un truc a faire...


On en profite aussi pour tester le "bamboo-train", sur une portion de rails plus ou moins desafectee. Une planche en bambou, un moteur, et hop. Le truc fun, c'est quand on croise un autre bamboo-train, l'un des deux est oblige de disolquer son engin pour laisser passer l'autre... C'est plus une attraction qu'un vrai moyen de locomotion, mais les locaux semblent quand meme l'utiliser pour des petites distances le long de la voie. En France aussi, ce serait pas mal, et encore plus sportif sur les voies de TGV. Que de projets a mener en rentrant...




En rentrant, on est passe voir l'ancienne gare de Battambang, visiblement laissee a l'abandon depuis la suppression des trains a passagers dans tout le pays. Dans cette atmosphere bizarre de fin de civilisation (comment ne pas penser a ca apres Angkor), on fait la connaissance de Thol, un cambodgien au francais parfait (voire incroyable, quand il nous sort "putain con-g, passe moin le pain-g" avec l'accent du sud, legue par ses potes de Perpignan). Lorsqu'on commence a parler, Thol est derriere les barreaux d'un hangar, "comme en taule" dit-il en rigolant, ce genre de situation ne s'invente pas.



Thol bosse pour TSO (Transport Sud-Ouest ?), une boite francaise chargee de renover et agrandir les voies de chemin de fer du Cambodge, en vue d'un prochain retour a la commercialisation. Il nous accueille dans son petit local ou les plans de la future ligne tapissent les murs, parle pas mal de politique. Il est revolte d'etre paye seulement 200 euros par mois (pourtant une grosse somme pour ici, il le reconnait) alors que ses collegues francais, envoyes sur place par TSO et avec qui il bosse tous les jours, touchent peut-etre 30 fois plus.

Au dela de ca, on sent une vraie rancoeur envers la situation sociale et politique du Cambodge en general, un certain malaise vis a vis de la concentration du pouvoir autour du "Cambodian's People Party" dont les panneaux quadrillent le pays jusque dans les petits villages. Bref, ca donne l'impression d'une vraie bonne ambiance. La guerre ici est peut-etre juste en pause, apres tout.

Mais Thol garde le sourire, et entre deux phrases serieuses nous dit qu'il lui est arrive de faire l'acteur. Une apparition dans les "Deux Freres" de Jean-Jacques Annaud et surtout un petit role dans "Holy Lola" de Tavernier, tous deux tournes en partie ici ! La discussion se termine gaiement par un petit coup de whisky maison plutot fameux, et nous voila repartis pour d'autres aventures, avec en poche un budget qui nous rapproche plus des expats de TSO que de notre ami Thol.




On passera la derniere semaine a Phnom Penh puis sur la cote du golfe de Thailande, pres de la frontiere. Le passage dans la capitale a ete encore l'occasion de se replonger dans la periode Khmers rouges (encore, parce qu'on avait deja lu le bouquin d'un survivant avant d'arriver ici), en visitant une ancienne ecole transformee en centre de torture, et en allant consulter quelques archives videos dans l'excellent centre francophone "Bophana", cree par un cineaste franco-cambodgien dont quelques extraits de films m'ont scotche.

C'est aussi a Phnom Penh qu'on a decouvert qu'il etait possible de monter a deux avec TOUTES nos affaires sur un seul taxi-moto... Ca a dure quelques minutes seulement, mais c'etait epique.



Quelques images de Krong Koh Kong, dernier stop sur la cote avant le passage en Thailande :



Ce post ayant ete ecrit petit a petit pendant notre stop de 5 jours a Bangkok, il commence par "Nous voila a Bangkok!" mais se termine aussi par "j'ai pas le temps de raconter la derniere semaine, on a un bus dans 2 heures". Direction le sud, Phuket plus precisement, ou Julie a degote un endroit pour passer le PADI, premier niveau de plongee!

Et Bangkok dans tout ca ? Je crois qu'on aime bien cette ville, c'est un peu chez nous, avec le "Thailand Ukulele Festival" en cerise sur le gateau, et une premiere seance de cine depuis 5 mois au moins (True Grit), seance precedee comme il se doit ici par l'hymne national thailandais pendant lequel tout le monde se leve dans la salle. Mais c'est une autre histoire.

1 commentaire:

  1. Très impressionnant, ces grands arbres sur les ruines.. pas mal aussi, la photo où l'on voit que Julie est parée pour remplacer Harrison sur le prochain Indiana Jones..

    Encore un récit qui donne envie de prendre la tangente..

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